Culture Vaudou : la biennale de Ouidah ou la reconquête d’une mémoire

Article : Culture Vaudou : la biennale de Ouidah ou la reconquête d’une mémoire
Crédit: Komlan Daniel
12 octobre 2022

Culture Vaudou : la biennale de Ouidah ou la reconquête d’une mémoire

J’ai eu beaucoup du mal à écrire cet article. Il m’a pris beaucoup de temps et de réflexion non pas parce que j’ignorais quoi dire, mais comment le faire ? Comment décrire la beauté manifeste sans louanges dithyrambiques des événements de ce week-end du 14 août 2022 à la biennale de Ouidah. Pour moi tout était si important à raconter au point où omettre volontairement ou non un détail rendrait la narration perclus et indigeste à mon appréciation. Toutefois, ce dilemme en soi témoigne de la qualité de ce que pourrait offrir cet événement qui n’est qu’à sa toute première édition. Que je puisse mettre une phrase sur chaque fait comme le ferait un journaliste ou pas, n’est pas le plus important. La seule chose qui mérite intérêt ici c’est le partage de mes émotions.

Danseurs en performance
©Komlan Daniel

Tout part du personnel

Mon grand-père, du côté de ma mère, était un fervent pratiquant et percussionniste vodou. C’est d’ailleurs tout ce que je sais de lui au-delà du fait qu’il fut de la noblesse en qualité de régent du chef local. Je ne l’ai jamais réellement connu mais j’ai toujours témoigné d’une profonde admiration vis-à-vis de sa mémoire et de l’homme fort dont sa fille, ma mère, m’a souvent parlé. Au fond, je me suis toujours dit que s’il a été un si grand homme comme le racontent assez souvent ses contemporains, c’est sûrement parce qu’il fut un initié. Et plus encore j’aurais vraiment aimé le contraire mieux que je ne le connaisse déjà.

Jusque là, je pensais connaître cette religion que pratiquait mon grand-père ou du moins, que j’en savais assez. Dans mon esprit,  j’ai quand même : un grand-père initié, lu des bouquins sur le sujet (comme le Dieu Objet de Marc Augé) ou même assisté à des cérémonies vaudou.  Il n’y a donc pas de raison pour que je ne sache pas de quoi il s’agit . Je ne m’étais même pas vraiment rendu compte à quel point mon paradigme sur la question et de tout ce qui gravite autour était ringard et borné. En réalité je n’étais pas très loin de ceux qui pensent que l’Afrique est un pays et que le Nigéria est sa capitale. Pour moi le vodou se résumait à une religion traditionnelle africaine vecteur de bonnes mœurs et valeurs, ni plus, ni moins. Mais c’est tellement plus que ça.

Jeune pratiquant vodou
©Komlan Daniel

Mais c’est tellement plus que ça 

L’émotion dans les yeux de ce jeune haïtien expressément venu pour l’occasion a suffit à me faire comprendre que c’est tellement plus que ce que je pensais. Emmanuel, il a dit qu’il s’appelait. Il était ivre d’une joie à en faire perdre la tête au diable. Un ancêtre ferré dans un négrier sur les côtes ouest africaines avec pour seuls bagages sa peau, sa culture et son vodou. Plusieurs années  plus tard, il sera lui Emmanuel descendant de cet ancêtre dont il ne sait grand chose si ce n’est le tort dont il a été victime et qu’il était initié. Sur les traces de ses aïeux aujourd’hui à la quête peut-être des dernières pièces du puzzle de ses origines, la biennale de Ouidah est une bonne excuse. 

On n’est jamais si différent 

C’est étrange comme nos histoires se ressemblent, Emmanuel et moi. On a tous les deux des aïeux avec une histoire à connaître et leur dénominateur commun à tous c’est le Vodou.  Cette religion, qui au-delà de ses valeurs constitue une mine d’informations sur notre histoire (à petite ou à grande échelle), est un pont entre nous les africains du continent et nos frères afro-descendants. 

C’est en cela que la biennale de Ouidah est intéressante comme initiative. Un laboratoire d’analyses et de recherche pour trouver réponses à des questions que des gens comme Emmanuel et moi se posent. Recoller les morceaux d’histoire épars ça et là sur les continents. Revoir les pratiques cultuelles, les mettre à jour et peser leurs efficacités. Théoriser de façon scientifique  les concepts Vodou et les démocratiser. 

Au fond, je pense que Pépé aurait kiffé tout ça. Il aurait certainement adoré m’écouter lui dire tout ce que j’ai vu et appris sur sa religion. Et qui sait peut-être qu’il aurait même été tenté de me suivre à Ouidah pour les prochaines éditions.  Mais ce n’est pas grave qu’il ne soit pas là non plus, comme ça j’aurai beaucoup de choses à lui raconter un de ces 4. 

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