“Traits d’union” : le coming out de Thierry Tomety

© Komlan Daniel
Intriguant ! Si je n’avais le choix d’en utiliser qu’un seul, c’est bien le mot dont je ferais usage pour désigner l’œuvre de l’artiste plasticien Togolais Thierry Tomety. Encore heureux, parce que ce n’est pas la nouvelle exposition “Traits d’union” (qui m’intéresse particulièrement dans ce billet) qui nous dira le contraire.
Toujours fidèle à lui-même
Alors que je venais de faire sa découverte en 2019, un peu avant son exposition solo “introspection”, l’artiste couvait déjà en filigrane une démarche métaphysique de son travail. Aujourd’hui, cette posture est beaucoup plus affirmée et assumée dans la nouvelle collection de l’artiste. Mieux, l’artiste dit à ce sujet : « j’ai voulu représenter les liens avec les êtres invisibles auxquels nous sommes tous connectés , je pense avoir un lien avec ces êtres que j’ai représentés, quoique je n’en aie aucune preuve. Je n’ai pas voulu creuser non plus pour ne pas influencer la série car la démarche aurait perdu de sa spontanéité ».
La série en question : des peintures de sirènes ou mami-wata, représentées sous diverses formes, assorties à un univers sémantique propre à l’artiste (anthropomorphisme, principe de la dualité, etc).
Quoi qu’il en soit, même si le choix esthétique de l’artiste est dissocié de la connotation hostile qu’on pourrait prêter aux reines des eaux dans nos milieux, il n’en demeure pas moins que c’est quand même osé comme choix. Et c’est bien ça tout l’intérêt du travail de Thierry aujourd’hui.

© Komlan Daniel
Une remise en question du politiquement correct
En effet, Traits d’union vient rompre avec deux niveaux de bien pensante. La première, celle dont souffrent les contemporains de l’artiste en quête d’une identité africaine et pourtant hermétique aux croyances et pratiques religieuses endogènes du continent. Une contradiction lorsqu’on sait que la majorité des croyances ancestrales renferment les codes génétiques de notre identité. Et la seconde, celle qui gangrène les collègues artistes de Thierry. Une nouvelle génération d’artistes de moins en moins enclins à parler des sujets qui fâchent, choquent ou touchent du doigt les écarts de nos sociétés de peur d’être critiqués ou censurés.
Il n’apparaît donc ici clair qu’au-delà d’avoir mûri artistiquement au cours de ces dernières années, Thierry Tomety s’est également engagé dans le rôle de poser des questions que certains sinon beaucoup trouveront fâcheuses pourtant non moins intéressantes. Du moins pour cette nouvelle expo “ Traits d’union”.
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